Comment le secteur de la construction français peut-il concilier ambition et contexte économique difficile ?

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Le secteur français de la construction est à un tournant. Entre de grands projets d'infrastructures qui remodèlent les villes, des objectifs de développement durable stimulant l'innovation et des pressions économiques croissantes, le tout dans un contexte commercial difficile, le secteur est en pleine mutation.

Les grands entrepreneurs français comme Vinci, Bouygues et Eiffage s'adaptent à un environnement en pleine évolution, marqué par la hausse du coût des matériaux, la pénurie de main-d'œuvre et des réglementations environnementales strictes. Parallèlement, la transformation numérique et les initiatives vertes soutenues par les gouvernements ouvrent de nouvelles perspectives.

Un net ralentissement

L’environnement dans lequel le secteur doit s’adapter à tous ces changements est difficile.

Une enquête récente menée auprès des acheteurs de construction dans le pays a mis en évidence un fort ralentissement dans le secteur de la construction en France, le sous-secteur résidentiel étant le plus gros frein aux niveaux d'activité.

L'indice d'activité totale de la construction PMI de la Hamburg Commercial Bank (HCOB) en France, qui mesure les variations mensuelles de l'activité totale de l'industrie, s'élevait à 43,8 en mars 2025 (tout chiffre inférieur à 50,0 indique une contraction).

Il est inquiétant de constater que les acheteurs ont continué à signaler un manque de nouveaux travaux dans la dernière enquête � un problème qui dure depuis exactement trois ans maintenant.

Les personnes interrogées ont signalé une hésitation des clients à s'engager dans de nouveaux projets, une incertitude budgétaire des clients et des conditions économiques défavorables parmi les raisons que les entreprises ont liées à la dernière réduction des nouvelles affaires.

Incitations pour l'industrie

Alors que la durabilité et la modernisation sont au premier plan des discussions du secteur, certains craignent également que le soutien financier aux projets de construction résidentielle ne diminue, selon la Fédération ¹ó°ù²¹²Ôç²¹¾±²õe du Bâtiment (FFB), qui représente plus de 50 000 entreprises du bâtiment dans toute la France.

« Depuis 2017, les aides et les soutiens gouvernementaux au logement sont en baisse constante », explique Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques, financières et internationales de la FFB, ajoutant que le manque de soutien crée un environnement difficile pour le secteur de la construction.

Nouveaux immeubles de bureaux et d'appartements en construction dans le quartier Euratlantique à Bordeaux, France Nouveaux immeubles de bureaux et d'appartements en construction dans le quartier Euratlantique à Bordeaux, France (Image : JeanLuc Ichard via AdobeStock - stock.adobe.com)

Parallèlement, le durcissement des réglementations environnementales, telles que RE2020 et « Zéro Artificialisation Nette Â», a complexifié et augmenté les coûts des nouveaux projets. Si ces politiques â€� imposant des limites strictes d'émissions de carbone et encourageant des mesures comme les pompes à chaleur, l'énergie solaire et des normes d'isolation plus strictes â€� favorisent une construction plus écologique en France, elles ont également contribué à la hausse des dépenses et au ralentissement du développement. Les effets de ces changements, conjugués à l'inflation, à la hausse du coût des matériaux et à la hausse des taux d'intérêt, ont exercé une pression financière considérable sur le secteur.

« Entre 2022 et 2025, nous estimons que le chiffre d'affaires du secteur de la construction chutera de près de 10 %. Le secteur le plus touché est celui du logement neuf, avec un effondrement prévu de 28 %, et celui de la construction non résidentielle, avec une baisse de plus de 12 % », ajoute M. Chapeaux.

Avec moins de nouveaux projets qui voient le jour et une pression financière croissante sur les développeurs, le ralentissement auquel le secteur est confronté est l’un des plus graves depuis des décennies.

La FFB négocie avec le gouvernement et le parlement pour tenter d'obtenir davantage d'incitations et de soutien jusqu'en 2026.

Le Dr Tariq Kamal Chaudhry, économiste à la Hamburg Commercial Bank, ajoute : « Le gouvernement français devrait prendre plusieurs mesures pour stabiliser le secteur de la construction. Premièrement, les programmes de soutien de l'État aux rénovations écoénergétiques et à la construction durable pourraient être renforcés. Deuxièmement, le gouvernement pourrait accroître les investissements dans les projets d'infrastructures afin de stimuler la demande dans le secteur de la construction. »

Modifications fiscales et fiscales

Il y a aussi la perspective d'une fiscalité plus lourde pour les entreprises du secteur. En octobre 2024, le gouvernement français a dévoilé le projet de loi de finances pour 2025, qui introduit plusieurs mesures fiscales visant à réduire le déficit budgétaire national. Parmi celles-ci figure une surtaxe temporaire à l'impôt sur les sociétés ciblant les grandes entreprises générant des bénéfices importants. Cette mesure vise à générer des recettes supplémentaires pour les secteurs affichant de solides performances financières.

Le secteur de la construction, et notamment ses principaux acteurs, est fortement impacté par cette proposition. Par exemple, Eiffage, leader français du BTP et des concessions, a estimé que si la surtaxe proposée avait été mise en œuvre en 2023, elle aurait entraîné une charge fiscale supplémentaire de 135 millions d'euros, selon l'agence de presse Reuters.

De même, Vinci, une autre grande entreprise du secteur, a prévu une augmentation d’environ 400 millions d’euros de ses impôts en 2024 en raison du projet de loi proposé.

La Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui représente plus de 8 000 entreprises de travaux publics en France, a exprimé sa vive inquiétude face à ces mesures proposées, se déclarant « alarmée par les mesures annoncées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 Â».

En réponse au projet de loi de finances, la FNTP a averti que « les choix opérés auraient un effet récessif sur l'économie française et, contrairement aux ambitions affichées, ne permettraient que de stabiliser le déficit public ». La fédération soutient que les hausses d'impôts freineraient la croissance économique au lieu de la stimuler, exacerbant les inégalités territoriales et freinant les investissements indispensables dans les infrastructures.

Investissements dans les infrastructures

Malgré les défis que la réglementation et le paysage politique posent à l’industrie, l’État continue de donner la priorité aux projets d’infrastructures à grande échelle.

Le Grand Paris Express est le plus grand projet de transport urbain d'Europe. Il vise à transformer l'Île-de-France avec 200 km de nouvelles lignes de métro automatique et 68 nouvelles stations. Conçu pour améliorer la mobilité et réduire la congestion, le projet devrait coûter environ 42 milliards d'euros et être entièrement achevé d'ici 2035.

Grues Liebherr travaillant sur le projet de transport Grand Paris Express en France Grues Liebherr travaillant sur le projet de transport Grand Paris Express en France (Photo : Liebherr)

La Société des Grands Projets a annoncé un calendrier actualisé pour la mise en service des lignes clés du Grand Paris Express. La ligne 15 Sud devrait être mise en service au quatrième trimestre 2026. En raison de l'intégration d'un système de contrôle-commande automatisé partagé sur plusieurs lignes, l'ouverture des lignes 16 et 17 a été repoussée, leurs premiers tronçons étant désormais prévus pour le deuxième trimestre 2027.

Malgré ces ajustements, le calendrier global des derniers tronçons des lignes 15, 16 et 17 reste inchangé. Par ailleurs, la ligne 18, qui fonctionne indépendamment des lignes concernées, reste sur les rails, sa date de mise en service étant confirmée comme prévu.

Dans un communiqué de presse de la Société des Grands Projets, Jean-François Monteil, président du directoire, a réaffirmé l'engagement de livrer un système de transport performant : « La révision du calendrier a permis de mieux appréhender les enjeux du passage de la phase de génie civil et de développement à la phase d'installation et de test des systèmes de transport. »

D'autres grands projets d'infrastructures français sont confrontés à un avenir plus incertain. Le président Macron a annoncé en 2022 un plan pour la construction par l'entreprise publique EDF de six nouveaux réacteurs nucléaires pressurisés européens, pour un coût de 67,4 milliards d'euros. Mais un rapport de la Cour des comptes française, publié en janvier dernier, a averti que le pays était « loin d'être prêt » à les construire, alors que les coûts augmentent. La construction devrait débuter en 2027, mais l'incertitude persiste quant à son financement.

En février dernier, un tribunal français a suspendu la construction de l'autoroute A69 reliant Toulouse à Castres, craignant des dommages environnementaux. Entre 300 et 450 millions d'euros avaient déjà été investis sur ce tronçon de 53 km avant que le tribunal administratif de Toulouse n'ordonne l'arrêt des travaux, jugeant les bénéfices du projet pour les riverains « très limités ».

Alain Grizaud, président de la FNTP, a appelé le gouvernement et la justice à soutenir davantage les projets d'infrastructures. « La France souffre de fractures territoriales profondes. Des millions de ¹ó°ù²¹²Ôç²¹¾±²õ vivent dans des zones isolées, loin des grands axes routiers, avec des infrastructures vétustes, voire inexistantes. Les infrastructures sont une réponse concrète à ces fractures, et leur mise en Å“uvre ne peut plus être laissée à la merci d'un légalisme paralysant et d'une opposition systématique », a-t-il averti.

Des mouvements importants chez les fabricants français de matériel de construction
Chargeuse sur pneus Mecalac série 12 MTX Chargeuse sur pneus Mecalac série 12 MTX (Photo : Mecalac)

Parallèlement, le groupe Fayat a signé un accord pour l'acquisition du groupe Mecalac, fabricant d'engins de chantier compacts et de taille moyenne, marquant une étape importante dans le secteur français de la construction. L'opération, soumise à l'approbation des autorités réglementaires, devrait être finalisée d'ici mi-2025.

Mecalac, dont le siège social est situé en France, produit des pelles, des tombereaux, des chargeuses-pelleteuses et des équipements de compactage. Présent dans 85 pays, il possède des sites de production en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Turquie. En 2023, l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros et livré environ 5 000 machines par an.

Fayat, spécialisé dans les équipements de construction et d'entretien routiers à travers des marques comme Bomag, Marini et Dynapac, a généré 5,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2024. Cette acquisition marque une diversification au-delà de son portefeuille traditionnel axé sur la route.

Chris Sleight, directeur général d'Off-Highway Research, a déclaré : « L'acquisition de Mecalac par le groupe Fayat est une fusion majeure. Je suis un peu surpris qu'après des décennies de concentration sur les segments des équipements de construction et d'entretien routiers, Fayat se tourne vers d'autres secteurs. »

« D’un côté, cela l’exposera à de nouveaux clients et marchés, mais je me demande également si le manque de croisement entre les deux entreprises, leurs gammes de produits et leurs réseaux de distribution ne signifiera pas également des opportunités limitées de synergies et d’économies. »

Le secteur français de la construction connaît une transformation profonde sous l'effet des pressions économiques, des exigences réglementaires et des initiatives en matière de développement durable. Si des défis tels que la pénurie de main-d'œuvre et la hausse des coûts persistent, les investissements dans les infrastructures et les technologies vertes offrent des opportunités de croissance. À l'avenir, les entreprises qui adoptent la digitalisation et des pratiques respectueuses de l'environnement seront les mieux placées pour prospérer sur un marché en pleine évolution.

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